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Les huit membres du Yoga

Le Yoga, dans sa compréhension et sa pratique, est une quête de vie propre à chacun(e). L’enseignement spirituel véritable ne donne donc jamais les réponses, mais ouvre des voies de réflexion et d’interrogation pour permettre à l'aspirant de trouver la Vérité en lui-même.


L’Aṣṭānga Yoga ou le système des Huit Membres (astau signifiant « huit » et anga, « membre » / à ne pas confondre avec style de pratique posturale de l’Aṣṭānga Vinyāsa Yoga) fut établi par le rishi Patañjali dans son Yoga Sūtra pour guider les pratiquants sur le chemin de l’éveil.

Pour beaucoup de personnes, la simple pratique des āsanas permet l’émergence de vérités subtiles qui agissent comme des aperçus spontanés de la nature du Tout. Mais suivre la voie du Rāja Yoga implique d’agir avec intelligence, déférence et discipline au service de cette Vérité en embrassant l’ensemble du système vertueux des Huit Membres. La pratique posturale ne devient alors qu’un des nombreux piliers supportant un dessein plus grand. Nous apprenons alors la concentration et la discipline, abandonnant peu à peu l’ego par le lâcher-prise, la stabilisation des pensées, le contrôle des sens, l’ouverture d’esprit et la curiosité. Par cette pratique vertueuse, l’esprit est alors libre de tendre vers la Sagesse et le Discernement pur (viveka khyāti) qui détruira la souffrance (dhukka) née des afflictions du mental (kleśas) dont ignorance (avidyā) est la mère.


Ces Huit Membres sont décrits comme suit.

Bien que décrit de façon linéaire, ceux-ci peuvent être suivis en simultanément.


Les huit membres du yoga, Alex Blake Yoga

Bon à savoir : Patañjali, comme à son habitude dans le Sūtra, ne dit que très peu de choses sur les différents Yamas et Niyamas, ne donnant aucune définition spécifique de chacun d’entre eux, le lecteur de l’époque (érudit et lettré) étant parfaitement au fait des termes employés. Le Yoga Sūtra sorti de son contexte est donc (un peu trop) facilement ouvert à l’interprétation pour correspondre à la pensée moderne. Il est donc nécessaire d’étudier ce texte à la lumière de ses commentaires les plus proches afin d’en comprendre le sens que son auteur voulait lui donner. Il est également très important, pour la bonne lecture des Yamas et Niyamas et leur inclusion dans notre quotidien, de se rappeler que ceux-ci ont été ratifiés pour des ascètes et brahmanes (caste sacerdotale).



I. Les Yamas

Les Yamas composent les socle des normes et restrictions éthiques régissant notre comportement en société. Beaucoup d’autres textes comme les Upaniṣads et plus tard le Hatha Yoga Pradīpikā proposent un nombre variables de Yamas et de Niyamas. Voici les cinq retenus par Patañjali:


« Ahimsāsatyāsteyabrahmacaryāparigrahā yamāh » (Patañjali II,30)

« Les Yamas sont Ahimsā, Satya, Asteya, Brahmacharya et Aparigraha »

Ahimsā, la non violence ou l’état constant de paix, est une attitude et un comportement à l’égard de toutes les créatures vivantes basés sur la compréhension de l’Unité de toute vie. C’est une attitude d’amour et de respect de la Vie par le refus d’infliger volontairement blessure et souffrance aux autres, mais également à nous-mêmes, que ce soit en action , en parole ou en pensée.


Satya, la vérité ou l’honnêteté, est la correspondance entre les actions, les paroles et les pensées avec les faits. Cela implique non seulement l’abstention du mensonge, mais également celui de l’exagération, de l’ambiguïté, de la supposition ainsi que de tout écart par rapport à ce que nous savons être vrai. Le silence lui-même peut devenir mensonge quand il laisse une impression vague ou fausse. Mais l’honnêteté est également une qualité applicable à nous-mêmes, nous obligeant à nous voir tel que nous sommes réellement.


Asteya, l’absence de vol, concerne à la fois le fait de dérober des biens matériels et monétaires mais également des choses plus subtiles comme le fait de s’attribuer les pensées ou les mérites d’autrui. En éliminant complètement ces tendances grossières, l’aspirant transigera de moins en moins avec des formes plus subtiles de malhonnêteté.

Brahmacharya, qui signifie littéralement « se mouvoir en Brahman », est sûrement le Yama le plus discuté dans notre société moderne. À l’époque de Patañjali et pour l’auteur du Yoga Sūtra, ce terme aurait pu se traduire par « célibat » ou « restriction sexuelle ». Le Bhāṣya, grand commentaire du Yoga Sūtra explique Brahmacharya par « le contrôle totale (samnyama) de l’organe reproducteur ». Par la libération de la domination des sens et des plaisirs et désirs sensuels, l’aspirant se détache des perturbations émotionnelles et mentales qu’elle peut engendrer en l'éloignant ainsi du travail spirituel. Cette vision acétique n’étant pas applicable à l’homme et femme modernes, père et mère de famille mais désireux de suivre les Huit Membres, nous nous sommes entendus à traduire Brahmacharya par la modération ou l’économie d’énergie.


Aparigraha, littéralement « l’absence de biens », peut être résumé par la renonciation aux possessions. En faisant voeu de renoncement, le yogin refuse de s’identifier à ses biens matériels et d’y chercher une quelconque forme de salut. Plus largement, Aparigraha englobe la non-convoitise à la fois des biens, des situations et des savoirs d’autrui, empêchant ainsi toute forme de convoitise et de jalousie qui n’ouvrisse l’ego.



II. Les Niyamas

Les Niyamas concernent l’autodiscipline et les observances spirituelles et sont au nombres de cinq:


« Śaucasamtoṣatapahsvādhyāyeśvarapranidhānāni niyamāh » (Patañjali II,32)

« Les Niyamas sont Śauca, Santoṣa, Tapas, Svādhāya et Īśvarapranidhāna »


Śauca, la propreté, désigne l’action de maintenir à la fois notre corps en bonne santé par le lavage et une alimentation saine mais également notre esprit libre de toute pensée négative ou impure.


Santoṣa, le contentement, est la pratique d’une attitude positive de satisfaction face à ce qui nous échoit sans jamais désirer plus que ce qui nous est essentiel et vital à la fois d’un point de vue matériel ou autre comme le pouvoir ou les louanges. Le contentement ne participe toutefois en aucune façon à la paresse et la résignation.

Tapas, dérivé de la racine « brûler », peut se traduire par « austérité » ou « discipline » et constitue un ensemble de pratiques purificatrices physiques et mentales, intenses et continues, visant à transcender le corps et l’esprit. Ce niyama peut également être entendu comme l’observance régulière d’une sādhana (pratique spirituelle intense).


Svādhāya, littéralement « l’étude de soi », se manifeste dans l’étude des textes sacrés relatifs à l’élévation spirituelle ainsi que dans la récitation de mantras (mantra japa), mais également une analyse vertueuse de nous-mêmes. Dans ce processus, mis à part la connaissance acquise, le mental évolue pour se laisser de plus en plus guider par les lumières des enseignement ancestraux et nouveaux tout en s’attelant progressivement à une profonde introspection pour découvrir notre nature véritable.

Īśvarapranidhāna, l’abandon au Divin, nécessite du yogin qu’il s’abandonne complètement à la dévotion des qualités divines présentes en toutes choses pour tendre vers la déperdition de l’égo et vers la connaissance ultime du moi-profond dépouillé de tout forme d’illusion. Le Bhāṣya commente qu’un certaine forme (viśeṣa) de dévotion (bhakti) appelée « pranidhāna » incitera Īśvara (le seigneur, le purṣa particulier, la conscience universelle) à accorder sa grâce ou les moyens d’atteindre le Samādhi.



III. Āsana

La partie traitant des formes de posture dans le Yoga Sūtra ne concerne que trois aphorismes sur les cent-quatre-vingt-quinze que compte le texte. Il est important de comprendre qu’il n’était pas question ici pour Patañjali de postures dynamiques telles que Adho Mukha Svanāsana. Les postures mentionnées ou plutôt induites par le sage ne servaient qu'à pratiquer Prānāyāmā (le contrôle de l'énergie par le souffle), Dhāranā (la concentration) et Dhyāna (la contemplation ou l'état de méditation) pour pouvoir atteindre Samādhi (l'Éveil). Ces postures n'étaient donc ni plus ni moins que des postures assises ce qui, rappelons le, était à l'époque le sens premier du mot "āsana" qui signifiait soit l'assise (posture), soit l'objet dont on se servait pour s'assoir (ex: une chaise).

Depuis lors cependant, la pratique des postures du Hatha Yoga (Yoga de la force) s’est greffée au troisième membre de l’Aṣṭānga Yoga car comme l’écrit Swami Vivekananda dans son livre « Rāja Yoga » : « Notre corps est la barque qui nous portera jusqu’à l’autre rive de l’océan de la vie. Il faut en prendre soin. ».



IV. Prānāyāma

La compréhension du Prānāyāma est généralement limitée aux exercices respiratoires alors qu’il peut être utilisé à n’importe quel autre moment dans la pratique du Yoga.

Pour être plus précis, le Prānāyāma est l’art du contrôle de l’énergie vitale. Le mot Prānāyāma vient des termes « prāna » ou « souffle vital » et « āyāma » qui est la somme très poétique de deux significations, à savoir « retenue » et « en expansion ». Ce processus complet établit le lien entre la respiration, l’esprit, les émotions et l’énergie, principalement par le biais des rétentions poumons vides (bahya kumbhaka). L’exploration de cette pratique permet progressivement d’engendre « un état de conscience qui est comme un lac calme » (B.K.S Iyengar).


V. Pratyāhāra

Pratyāhāra, le retrait des sens, arrive lorsque « les organes sensoriels n’entrent plus en contact avec les objets de perception correspondant à ces sens, mais se tournent vers la nature de l’esprit » (Patañjali II,54). Cette étape de l’Aṣṭānga Yoga peut être considérée comme une frontière ou transition entre les membres précédents dits « extérieurs » (bahirānga) et les suivants dits « intérieurs » (antarānga). L’attention est tout entière est tournée vers le témoin (le moi-profond).



VI. Dhāranā

Cette étape constitue le premier pas de la pratique de la méditation. Dhāranā, la concentration, est obtenue lors du travail de fixation de la pensée en un seul objet (ekāgratā) comme le souffle (prāna), certaines parties précises du corps (ādhāras), les cinq éléments (pañcabhūta), une image ou encore la répétion (japa) d’un son ou d’un mantra. Il arrive encore lors de cette étape que l’esprit dérive et s’échappe du travail de concentration. L’aspirant doit alors le ramener vers l’exercice avec patience, discipline et bienveillance.



VII. Dhyāna

Dhyāna, l’état de méditation, est obtenu par le flux ininterrompu et sans effort de la concentration. Le yogin transcende Dhāranā et maintient alors la fixation du mental sans qu’aucune pensée, connaissance ou fluctuation ne vienne s’interposer entre lui et l’objet de son attention.



VIII. Samādhi

Samādhi, ou l’état d’absorption, est le point culminant de l’Aṣṭānga Yoga. Il en existe sept niveaux différents décrits par Patañjali dans le premier chapitre du Yoga Sūtra (Samādhi Pāda) dont un repris plus précisément lors de son énoncé des Huit Membres dans le chapitre trois (Patañjali III,3):

L’état de Samādhi apparait lorsque, la méditation étant devenue tellement profonde, toute conception ou idéation de l’objet observé disparait pour laisser place à sa nature véritable (svarūpa). Le méditant fusionne alors avec l’objet de son attention, transcendant ainsi le « moi » en percevant la réalité directement pour ce qu’elle est.

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