Les mudras sont des sceaux yogiques permettant la canalisation du souffle et des énergies. Selon la Haṭhapradīpikā, ils forment le troisième stade du Haṭha Yoga, après les āsanas et le Prāṇāyāma. D’après les textes, ils préviennent la perte et la dispersion du prāṇa et vont même jusqu’à en réguler la diffusion afin d’optimiser les effets de la pratique, d’améliorer la santé du yogin, ou encore de prolonger son temps de vie.
Les mudras sont généralement assimilées à la gestuelle des mains, mais certaines d’entre elles peuvent également être effectuées avec d’autres parties du corps comme les yeux ou la langue, voir avec le corps tout entier.
LES MUDRĀS ET LEURS SYMBOLES
Bien que leur utilisation première possédait un but énergétique, nous utilisons également
les mudras de nos jours pour illustrer et renforcer une intention de pratique, en usant parfois de certains symboles qui leur ont été associés par tradition.
LES MUDRĀS ET L’ANCRAGE
Que l’on soit sensible ou non à l’idée que des gestes puissent influencer nos énergies, il reste très intéressant de pratiquer régulièrement les mudrās lors d’exercices de Prāṇāyāma et de méditation, car celles-ci, à force de répétition, participeront au phénomène d’ancrage. Dans le domaine de la programmation neuro-linguistique (PNL), l’ancrage fait référence aux différents processus d’association d’une réponse interne (émotions, états d’esprit, etc.) à un déclencheur externe ou interne, de façon à ce que cette réponse puisse être rapidement reproduite. Ainsi, en utilisant systématiquement certaines mudras lors de pratiques ou d’états spécifiques, nous serons plus à même de retrouver rapidement ces derniers lors des séances suivantes.
Voici une liste non exhaustive de sceaux que vous pourrez peut être chercher à inclure dans vos pratiques.
MUDRĀ DES MAINS (Hasta mudrā)
CIN MUDRĀ
Cette mudrā symbolise la pratique spirituelle et la révélation. Elle favorise le calme, le retour à soi et l’ancrage. C’est le geste de la conscience unifiée : l’âme universelle (le pouce) se lie à l’âme individuelle (l’index) qui se sépare de l’égo (le majeur), de l’illusion (l’annulaire) et du karma (l’auriculaire). En adoptant Cin mudrā, le yogin crée également un circuit fermé qui permet au prāṇa de circuler dans tout le corps, entrainant la dissolution des blocages énergétiques. Cette mudrā peut être utilisée dans la plupart des prāṇāyāmas.
Protocole :
Placez la main sur le genou, la paume tournée vers le bas. Joignez ensuite le bout du pouce avec celui de l’index. Tout en conservant une légère pression entre ceux-ci, gardez les autres doigts détendus.
JÑĀNA MUDRĀ
Jñāna mudrā est probablement le geste le plus connu et pratiqué dans les cours de Yoga. Utilisé la plupart du temps lors de la méditation, le « sceau de la sagesse » œuvre à renforcer la présence et la concentration du pratiquant. On trouve parfois cette mudrā dans l’Āyurveda sous le nom vāyu vardhaka mudrā (le seau qui augmente le vent). Pratiquée lors de certains exercices comme Kapālabhāti kriyā, cette mudrā accroîtra la circulation du souffle. Utilisée lors d’une phase de repos entre deux prāṇāyāmas, elle favorisera l’introspection et l’assimilation des bienfaits de la pratique.
Protocole :
Assis dans une posture confortable, déposez la main sur le genou, la paume tournée vers le ciel, puis joignez ensuite le bout du pouce et celui de l’index (il est possible de trouver cette mudrā avec le pouce posé sur l’ongle de l’index). Collez et tendez ensuite le reste de vos doigts.
DHYĀNA MUDRĀ
Cette mudrā possède de nombreuses variations dans les traditions bouddhistes et yogiques. Dhyāna mudrā est une saṃyukta mudrā (un sceau pratiqué avec les deux mains) et symbolise la transcendance des dualités. Lors de l’exécution de ce sceau, les mains du pratiquant viennent former une sorte de bol. Avec ce récipient, symboliquement vide de toutes pensées et attentes restrictives, le yogin se tient prêt à recevoir et accueillir ce qui se présenterait alors à lui lors de sa pratique méditative.
En pratique :
Depuis une assise confortable, placez vos mains devant vous, les avant-bras ou les poignets posés sur les cuisses, et la mains droite au-dessus de la main gauche. Les paumes tournées vers le ciel, les bouts des pouces se touchent légèrement et le reste des doigts sont détendus.
YOGA MUDRĀ - LE SCEAU DE L’UNION + photo 56
La mudrā de l’union peut représenter diveress unifications en fonction des ressentis ou des croyances de celui qui l’utilise (les corps avec l’esprit, l’ātman avec le brahman, etc.). Elle symbolise également les concepts de paix et d’harmonie, favorisant ainsi une plus grande détente et clarté mentale chez le yogin qui en fait usage.
En pratique :
Après avoir adopté une assise confortable, laisser reposer vos avant-bras ou vos poignets sur vos cuisses, puis entrelacez les doigts délicatement pour former un poing creux à l’aide de vos deux mains.
BRAHMĀ MUDRĀ
Baptisée en l’honneur du dieu de la trinité hindoue (trimūrti) Brahmā, cette mudrā accroît la circulation des énergies et favorise le travail d’augmentation de la capacité respiratoire. Elle dynamise le corps et vivifie l’esprit du pratiquant. Brahmā mudrā est généralement associée à la respiration complète yogique appelée Dīrgha śvāsa ou Dīrgha prāṇāyāma (voir page XX). Remarque : il est également possible de trouver cette mudrā sous le nom Mahad mudrā.
Protocole :
Alors que beaucoup de mudrās peuvent se pratiquer à l’aide d’une seule main (asamyukta mudrā), Brahmā mudrā va nécessiter l’utilisation des deux (samyukta mudrā). Après avoir adopté Adi mudrā sur chacune des mains, placez vos deux poings, phalanges contre phalanges et tournés vers le ciel, devant votre nombril en gardant les épaules les plus relâchées possible.
PRĀṆA MUDRĀ
Cette mudrā vise à accroître la vitalité en ancrant et équilibrant le souffle vital dans le corps du pratiquant. Elle soutient particulièrement les phases d’inspiration en favorisant l’ouverture de l’ensemble de la cage thoracique. C’est pourquoi Prāṇa mudrā est très utile à adopter lors de longues périodes d’inspiration (pūraka) et de rétention « poumons pleins » (antara kumbhaka).
Protocole :
La main placée sur le genou (paume tournée vers le sol ou vers le ciel), joignez le bout du pouce, de l’annulaire et de l’auriculaire (ou posez le pouce sur ces deux doigts repliés), et tendez l’index et le majeur.
BHAIRAVA MUDRĀ
Après Brahmā et Viṣṇu, c’est à Śiva, troisième divinité de la trimūrti, qu’est dédiée cette mudrā. Bhairava (« terrible » ou « terrifiant ») représente en effet une des formes courroucées du dieu, ici destructeur de l’ignorance et garant de la vérité et de la justice. Bhairava mudrā harmonise les flux énergétiques lors de la pratique du Prāṇāyāma et de la méditation, et favorise le lâcher-prise nécéssaire à l’abandon de nos pensées parasites et restrictives.
Protocole :
Après avoir adopté une assise confortable, déposez vos deux mains en coupe sur vos jambes en conservant les doigts détendus. Il est d’usage de placer la main droite sur la main gauche pour cette mudrā, l’inverse possédant une signification et une intention différentes.
MUDRĀ DES YEUX (Cakṣu mudrā)
ANTARA DṚṢṬI
« Le regard intérieur », celui que nous adoptons tous très aisément pour la pratique du souffle et de la méditation, peut également être considéré comme une mudrā à part entière. Elle permet à l’esprit d’être plus concentré et de focaliser plus facilement son attention sur un exercice ou une partie spécifique du corps.
Protocole:
Fermez les yeux. Vous pouvez ensuite, pour préparer votre esprit, vous concentrer quelques instants sur le noir qui se présente à vous derrière vos paupières closes avant de démarrer un exercice de souffle ou de méditation.
ŚĀMBHAVĪ MUDRĀ
Cette mudrā fut décrite dans de nombreux textes comme la Gheraṇḍasaṃhītā (chapitre 3) comme un geste de dévotion envers le dieu Śiva ou la déesse Durgā. Ses exécutions varient selon les textes mais ont toutes pour point commun la différenciation entre le regard physique, tourné la plupart du temps vers l’extérieur, et le regard intérieur (mental), tourné vers le « soi ». Le travail préparatoire par étapes qui vous est présenté ici est un processus vers le Pratyāhāra, le retrait des sens. Ces étapes font, comme beaucoup de pratiques du Yoga, l’objet de plusieurs mois ou années de travail et chacune d’entre elles ne doit être abordée qu’après une parfaite maîtrise des stades précédents.
Étape 1 :
Assis dans une posture stable, le dos droit et les yeux ouverts, relevez légèrement (de quelques centimètres seulement) votre menton pour amener votre regard plus haut que l’horizon. Tournez ensuite ce regard vers votre front au niveau de votre troisième œil sans jamais forcer pour ne pas fatiguer les yeux. Tentez en premier lieu de conserver cette mudrā lors d’un exercice de méditation pour vous familiariser avec son exécution.
Étape 2 :
Amenez votre regard au troisième œil comme pour l’étape une, puis fermez de moitié vos paupières pour obtenir un regard mi-clos. Veillez à conserver au maximum de la douceur dans la direction des yeux.
Étape 3 :
Le regard fixé sur le bout du nez ou sur l’horizon, fermez à moitié les yeux et tournez votre attention sur un exercice de souffle ou sur un travail d’introspection ou de méditation.
Étape 4 :
L’étape finale est en quelque sorte le Pratyāhāra abouti, un travail de longue haleine où, par l’absorption dans un exercice de souffle ou de méditation, le regard s’est volontairement détaché de ce qu’il peut percevoir en dehors pour se tourner en conscience vers l’exploration intérieure. Les yeux peuvent alors s’ouvrir et rester ouverts sans jamais altérer la concentration et la présence du yogin.
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